Touchant plus d'une femme sur trois après 35 ans, les fibromes utérins
peuvent parfois devenir problématiques : douleurs pelviennes, règles
abondantes… Pour les prendre en charge, la chirurgie est souvent
nécessaire. Mais depuis une dizaine d'années, une alternative existe :
l'embolisation.
Développée initialement pour traiter les
hémorragies de la délivrance, l'embolisation artérielle permet de
traiter les fibromes sans recourir à une chirurgie lourde.
Des microbilles dans un cathéter pour affamer les fibromes
Mise
au point au début des années 1990 à l'hôpital Lariboisière de Paris par
les équipes de gynécologie et de radiologie, l'embolisation consiste à
injecter des microbilles synthétiques dans les artères de l'utérus.
Cette opération se fait par l'intermédiaire d'un fin cathéter d'environ
1 millimètre de diamètre, introduit sous anesthésie locale. En recevant
le sang venant des artères utérines, le fibrome aspire également les
billes (ou sphères d'embolisation de 500 à 1 000 microns de diamètre)
qui vont boucher ses canaux d'approvisionnement et littéralement
l'asphyxier. Le fibrome se nécrose alors et rétrécit. Cette technique
permet de bloquer la vascularisation de tous les fibromes aussi
nombreux et petits soient-ils, évitant ainsi les risques de récidive.
L'embolisation
artérielle nécessite une approche pluridisciplinaire du traitement en
mettant à contribution radiologue et gynécologue.
Un
radiologue vasculaire interventionnel peut réaliser cette intervention.
Ce professionnel de santé est spécialement entraîné à la navigation
dans les vaisseaux et aux traitements par voie radiologique. Une petite
piqûre est pratiquée au niveau du pli de l'aine sous anesthésie locale
et le cathéter est introduit. Sous contrôle radiologique, il va
naviguer jusqu'aux vaisseaux sanguins qui nourrissent le fibrome
utérin. Les sphères d'embolisation sont alors libérées et s'accumulent
jusqu'au blocage du flux sanguin. Le radiologue surveille la
progression de ces particules. En fonction du nombre de fibromes et de
leurs positions, l'intervention dure entre 40 minutes et deux heures.
L'hospitalisation dure 1 à 3 jours et la convalescence n'excède pas une
petite semaine.
Embolisation artérielle ou hystérectomie ?
L'embolisation
peut être proposée à des femmes jeunes, qui souhaitent conserver leur
utérus, pour des raisons de croyances personnelles ou pour
d'éventuelles grossesses. "Certaines femmes ne peuvent pas supporter
l'idée d'avoir encore des tumeurs en elles et préfèreront une
myomectomie voire une hystérectomie. Mais d'autres ne veulent pas
perdre leur utérus, c'est pourquoi il faut intégrer l'embolisation dans
l'information préopératoire" explique le Dr Larousserie, gynécologue
obstétricien de l'Hôpital des 4 villes à Sèvres. Cette intervention peu
invasive préserve l'état de l'utérus, contrairement à la myomectomie
qui peut rendre l'utérus cicatriciel et donc impropre à une grossesse.
De nombreuses femmes ayant des fibromes et subi une embolisation ont eu
par la suite des enfants.
L'hystérectomie est à privilégier pour
les femmes d'un âge plus proche de la ménopause et/ou qui ne souhaitent
plus avoir d'enfants. L'embolisation reste une alternative et non pas
un remplacement de l'hystérectomie. L'indication médicale se fait au
cas par cas, selon l'âge, le désir de grossesse, le nombre et la taille
des fibromes...
Les bénéfices de l'embolisation artérielle
La
plupart des études montrent que 78 à 94 % des femmes traitées par
embolisation présentent une amélioration nette ou une guérison totale
des hémorragies, des douleurs et autres symptômes. Trois mois après
l'intervention, on observe une nette réduction du volume du fibrome.
Selon deux études américaines1,2, la normalisation des règles serait
obtenue dans 85 % des cas, la réduction du volume de l'utérus est de 45
% en moyenne, le taux d'échecs est de 5 à 10 % alors que près de 90 %
des patientes seraient satisfaites du résultat et recommanderaient
l'embolisation à d'autres femmes.
Des douleurs pelviennes sont
fréquentes après l'embolisation, elles peuvent être traitées par des
anti-inflammatoires ou des antalgiques. Du fait des crampes parfois
violentes, la patiente demeure généralement une ou deux nuits à
l'hôpital où elle reçoit un traitement intraveineux contre la douleur.
Plus rares, d'autres complications passagères peuvent intervenir :
fièvre, nausées... Les résultats d'une étude3 menée en 2006 aux Pays
Bas montrent que les femmes ayant subi une embolisation souffrent moins
durant les 24 heures qui suivent l'opération, et reprennent plus
rapidement une activité quotidienne normale, que celles qui ont subi
une hystérectomie. La majorité des femmes reprennent leur activité au
bout d'une semaine, contre deux à quatre semaines de convalescence pour
une myomectomie (ablation des fibromes par chirurgie) et quatre à six
semaines pour une hystérectomie (ablation de l'utérus).
Embolisation artérielle : de rares complications
Parmi
les complications plus rares, on peut noter des cas d'aménorrhée (arrêt
des règles, même si dans 80 % des cas les règles réapparaissent dès le
cycle suivant l'opération), d'infection généralement enrayée par un
antibiotique ou encore une nécrose de l'utérus qui entraîne alors
l'hystérectomie que l'on cherchait à éviter.
L'embolisation
reste une opération, et ne bénéficie donc pas d'un risque nul, mais le
risque de mortalité lors de cette intervention reste 10 fois inférieure
à celle de l'hystérectomie. Le risque de complications pour une
embolisation est de 19 % tandis qu'il est de 26 % pour une
hystérectomie4. Les décès survenus à la suite de complications d'une
embolisation, sont dus soit à des septicémies survenant chez des femmes
ayant des antécédents d'infections gynécologiques et qui ont tardé à
consulter soit à des embolies. Pour éviter ces dernières, des
anticoagulants peuvent être administrés à la femme les jours suivants
l'intervention.
Actuellement, une cinquantaine de centres en
France pratique l'embolisation des fibromes utérins. Cette technique a
fait l'objet d'une étude par la Haute Autorité de Santé et est
désormais autorisée et remboursée par l'Assurance Maladie.
Aux
Etats-Unis, on compte près de 1 500 femmes traitées par embolisation
par mois. En France, le même nombre de femmes bénéficient de cette
technique mais par an ! Un faible chiffre par rapport au nombre de
femmes qui pourraient en profiter. Cette technique représente une
nouvelle arme contre les fibromes et permet aux femmes de conserver
leur utérus. Outre sa valeur symbolique, cet organe est indispensable à
toute grossesse. Mais compte-tenu du manque de recul (faible nombre de
naissances...), on ne peut déterminer si ces grossesses ne comportent
pas plus de risques et cette technique reste pour le moment recommandée
aux seules femmes n'ayant plus de désir d'enfant.
David Bême - 15 février 2006 - Mis à jour le 14 avril 2009
1 - Radiology, February 2003, vol.226, n°2, pp.425-431
2 - Fertility and Sterility, January 2003, vol.79, n°1, January 2003
3-
Pain and Return to Daily Activities after Uterine Artery Embolization
and Hysterectomy in the Treatment of Symptomatic Uterine Fibroids:
Results from the Randomized EMMY Trial, CardioVascular and
Interventional Radiology, vol. 29, n°2, avril 2006
4- A UK
multicentre retrospective cohort study comparing hysterectomy and
uterine artery embolisation for the treatment of symptomatic uterine
fibroids (HOPEFUL study): main results on medium-term safety and
efficacy, An international journal of obstetrics and gynaecology,
vol.114, issue 11, octobre 2007
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